En 2012,
David Gilmour épaulé de son ami
Nick Mason, souhaite entreprendre la réalisation d’un ultime album de
Pink Floyd qui serait un vibrant hommage à Rick Wright décédé 4 ans plus tôt. Les sessions de “Division Bell” ayant été riches en compositions et jam diverses,
David Gilmour souhaite donc se replonger dans les travaux de cette époque (1994) afin d’y puiser la matière pour le projet du nouvel album. Une série de compositions, jugées à l’époque, non pas indignes de figurer sur “Division Bell”, mais plutôt trop en dehors du contexte général de l’album, avaient d’ailleurs déjà été mises de côté dans un “tiroir” que le groupe avait appelé “The Big
Spliff” (Le gros joint). C’est donc prioritairement avec cette réserve que
David Gilmour compte alimenter son nouveau projet.
A cette fin, il fait appel à Phil Manzanera (brillant guitariste de, entre autres,
Roxy Music) et lui fait donc écouter la vingtaine de titres qui constitue la potentielle matière du prochain opus de
Pink Floyd. Mais Phil Manzanera demande à écouter l’ensemble des bandes des sessions de “Division Bell”; ce qui représente environ 20 heures d’écoute. Peu à peu, au fil des écoutes, Phil Manzanera établit son plan de réalisation qui verra le futur ouvrage de
Pink Floyd découpé en 4 mouvements distincts axés chacun sur un style particulier en fonction des affinités et regroupements musicaux découverts lors de ses écoutes. Mais, le travail s’avère assez ardu, les techniques d’enregistrement de 1994 ne correspondant plus aux exigences d’enregistrement de 2014; Phil Manzanera devra donc faire preuve de beaucoup d’ingéniosité, de perfectionnisme et de talent pour faire coller ces compositions, relativement anciennes, à l’époque actuelle en tenant compte qu’il s’agit d’un album hommage au feu brillant claviériste du groupe.
A la production de l’album, on retrouvera
David Gilmour, Phil Manzanera qui s’est investi pleinement dans le travail de recherche musicale, Youth (Martin Glover, ancien de
Killing Joke) et Andy Jackson (Ingénieur du son de
Pink Floyd et de
David Gilmour depuis des années).
L’oeuvre proposée au public sort le 10 novembre 2014 et grimpe immédiatement dans tous les charts de la planète (n°1 en U.K. et E.U. et n°3 aux U.S.A). C’est un album presque exclusivement instrumental assez proche de “
Wish You Were Here” par son style éthéré et aérien où les claviers de Rick Wright jouent un rôle majeur ; on pourrait presque le cataloguer de musique “Ambient” tant la tonalité générale de l’album pousse à l’introspection, la réflexion et à la contemplation. La pochette du CD (œuvre d’un artiste égyptien découverte par l’équipe d’Hipgnosis montrant un homme sur un frêle esquif vu de dos ramant sur une mer de nuages) amène déjà le futur auditeur dans cette direction.
Le premier des 4 mouvements de “
The Endless River” est composé par les 3 premiers titres très aériens soutenus par les claviers de Rick Wright. Ce mouvement est basé sur la symbolique du départ vers un voyage qu’on devine lointain et initiatique. Ces 3 titres sont co-signés Gilmour / Wright et font quelque peu revivre le son du Floyd des années 70, et particulièrement celui des titres “
Shine On You Crazy Diamond” et “
Welcome to the Machine” de l’album “Wish You Wre Here” (Le préféré de Rick Wright").
Le deuxième mouvement de l’oeuvre est composé des 4 titres suivants qui sont censés figurer le voyage vers une destination inconnue. Ces 4 titres sont un peu plus variés et plus toniques que ceux du premier mouvement, les vrilles des guitares de Gilmour associées aux fulgurances de la batterie de Mason contribuent fortement à durcir un peu le ton. On pourrait rapprocher ce mouvement du voyage spatial développé dans “
Set the Controls for the Heart of the Sun” ou “Let There Be More Light” de leur album de 1968 “
A Saucerful of Secrets” ou même de certains titres de “
A Momentary Lapse of Reason” de 1987. Mais une constance reste, c’est l’omniprésence des claviers de Rick Wright.
Rick Wright, qui va même signer la composition du titre “The
Lost Art of Conversation”, inaugural du 3 ème mouvement, celui qui symbolise l’arrivée au but du voyage. But qui pourrait être une planète inconnue, une île ou le soi intime.
Sur les 7 titres qui composent ce 3 ème mouvement, 2 sont de la main de Wright; outres le premier, il y a aussi un titre à l’histoire assez remarquable : c’est le titre “Autumn ‘68” qui a été écrit et joué par Rick Wright sur le grand orgue du Royal Albert Hall en 1969. Initialement, ce titre était long d’une vingtaine de minutes, le producteur Youth se chargera de le raccourcir et de l’adapter pour qu’il colle au mieux au sujet du disque. L’hommage à Rick Wright est donc ici pleinement mis en valeur, et la boucle est en quelque sorte bouclée ; il est donc temps de repartir vers le point de départ, ce sera le 4 ème mouvement. Mais avant, le dernier titre du 3 ème mouvement fait aussi ressurgir le passé, mais plus récent celui-ci de
Pink Floyd; c’est “Talkin’ Hawkin’” qui renvoie évidemment à “Keep Talking” sur “Division Bell” dans lequel, comme ici, on entend la voix robotisée du physicien Stephen Hawking paralysé par la maladie de Charcot déclamer quelques phrases.
La 4 ème partie de “Endless River” débute par “Calling” une composition assez angoissante de Gilmour / Anthony Moore (déjà aux côtés de Gilmour sur “
A Momentary Lapse of Reason) pour laquelle Rick Wright n’est pas crédité ; les claviers étant tenus par
David Gilmour. Il semblerait donc que ce titre ait été écrit après la mort de Wright, probablement lors des sessions propres de cet opus. Les 3 titres suivants qui clôturent le disque, sont de la main de Gilmour et sont dans la même veine que “Calling”, légèrement sombres, proches de la mélancolie. A noter que le dernier morceau de la phase classique du CD “
Louder Than Words” est de la plume de Polly Sampson pour le texte. Il remet sur la table le vieux débat de l’absence de communication et de relation entre des personnes. Polly Sampson avait été notamment frappée par le flegme typiquement anglais qui avait accompagné les retrouvailles des 4 membres du Floyd en 2005 pour le concert du Live 8. “Il n’y avait d’animosité, pas de bavardage inutile, pas d’effusion entre eux dans les loges ; ils ne se parlaient pas, c’est tout ; mais quand ils montaient sur scène, leur complicité était extraordinaire” dira l’auteure plus tard.
Il est à noter que l’édition DVD de “Endless River” propose 3 titres audio supplémentaires “TBS9”, “TBS14” et “Nervana” issus des sessions de “Division Bell” d’où le “TBS” (The Big
Spliff). “Nervana”, titre assez accrocheur, serait un hommage déguisé à la scène grunge du début des années 90 et spécialement à
Nirvana.
Pour conclure, je dirais que ce disque doit être approché avec une oreille attentive, mais détachée de l’œuvre précédente du Floyd (Hormis “
Wish You Were Here”). Ce n’est évidemment pas un grand cru, mais je l’apprécie plus aujourd’hui que lors de sa sortie. Même s’il fait penser à
Brian Eno par certains aspects, cela reste du
Pink Floyd, et certainement le dernier Floyd avec du matériel inédit.
Je n'ai jamais écouté cet album (le dernier que j'avais acheté, c'était "The Division Bell", en K7), tout le contexte de création que tu décris me rend assez curieux.
Merci pour ta chronique !
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