Pandemonium

ajouter les paroles de l'album
ajouter une chronique/commentaire
Ajouter un fichier audio
14/20
Nom du groupe For Heaven's Sake
Nom de l'album Pandemonium
Type Album
Date de parution 15 Décembre 2015
Style MusicalFolk Rock
Membres possèdant cet album1

Tracklist

Limited to 500 copies
1. Aiwass 11:24
2. Quenn Anne Hill 05:21
3. Calico/CA 06:52
4. Las Brujerias De Nola 06:55
5. Ulicom Tama Vlada 06:52
6. Tuonela 06:18
7. O Devel Ila 04:52
Total playing time 48:34

Acheter cet album

 buy  buy  buy  buy  buy  buy  buy
Spirit of Rock est soutenu par ses lecteurs. Quand vous achetez via nos liens commerciaux, le site peut gagner une commission

For Heaven's Sake


Chronique @ Bloodorn

04 Avril 2016

Jusqu'au bout du rêve...

En 2011, For Heaven’s Sake avait su rallier médias et public à sa cause avec un album habité, métissé et très personnel, marchant avec brio sur les plates-bandes de Wovenhand et de Om. Quatre ans - et l’ouverture de son propre studio d’enregistrement (Sudio Lumière 13 à Paris) - plus tard le projet du multi-instrumentiste Guillaume Nicolas et de retour sur les platines avec trois nouveaux albums : "Pandemonium", "Ophelia #38" et "Jerusalem".

Trois albums qui ne forment pas à proprement parler une trilogie, chaque disque pouvant être écouté indépendamment, mais néanmoins liés par un même élan créateur et par un secret réseau de correspondances, de résonances. Comme par le passé, on retrouve chez For Heaven’s Sake un univers immersif où se mêlent americana, folk/rock psyché et orientalisme, ainsi que la même volonté d’explorer et marier les sonorités les plus diverses (harmonium, sitar, cloches…) dans une démarche sincère et artisanale qui force le respect. A noter que les artworks soignés des albums renferment de nombreuses photos (argentiques) de G. Nicolas himself.

Alors que "Paha Sapa/Mako Sika", le précédent album, revêtait les traits d’un chamanisme hypnotique parcourant fiévreusement des horizons emprunts d’un mysticisme sans frontière, ces nouveaux albums se libèrent des limites imposées par les points cardinaux pour s’aventurer sur la terra incognita par excellence : celle du rêve et de la nuit. Et chacun de ces trois albums peut être abordé comme autant de chapitres ponctuant cette nouvelle aventure.

Chapitre 1 : "Pandemonium"

« Ombres chinoises en terre étrangère », ces premiers mots du titre "O Devel Ila" résument assez bien le contenu de ce chapitre initial : résurgence d’une réalité vécue qui ne subsiste qu’à travers la suggestion. Bien qu’encore assez proche musicalement de "Paha Sapa/Mako Sika", l’ambiance s’y révèle très vite plus éthérée, les arrangements plus retenus. Malgré l’aspect vaporeux qui caractérise la musique de For Heaven’s Sake, le langage semble avoir gagné en simplicité et en clarté, offrant un espace propice aux rêveries intimistes.

Des rêveries qui se développeront sur des sections rythmiques relativement lentes et répétitives, créant une alcôve vibratoire où guitare et banjo auront tout le loisir d’exprimer, sur un mode souvent nostalgique mais jamais mélancolique, un monde qui semble s’éloigner mais dont les beautés demeurent dans l’esprit, éclats poétiquement projetés sous les paupières en « ombres chinoises ». Un titre comme "Calico/CA" l’illustre assez bien : près de sept minutes d’une sorte de mélopée onirique entrecoupée de solos de guitares délicats et posés. Une recette dangereuse car la mélopée pourrait très rapidement se transformer en ennui, mais c’est sans compter sur le charisme et ce supplément d’âme que possède For Heaven’s Sake, lui permettant de mener sa barque sans encombres sur des eaux au calme seulement apparent.

En effet, sur la seconde partie de l’album, des titres comme "Las Brujerias De Nola" ou "Ulicom Tama Vlada" ne sont pas avares en assauts électriques. L’héritage de Om, de 16 Horsepower et du southern rock y est bien perceptible mais néanmoins travaillé de manière subtile, parvenant ainsi à décliner un stoner rock élancé, ésotérique et sépia unique en son genre.

Ce premier chapitre s’achève avec "O Devel Ila", un morceau calme et minimaliste qui renoue avec la quiétude contemplative de la face A. On pourrait croire que la boucle et bouclée… For Heaven’s Sake a cette particularité de développer une musique aux multiples facettes, chaque élément étant susceptible de créer un nouvel espace à explorer. Ce dernier titre, de par son économie de moyens, contraste fortement avec les morceaux qui le précèdent, créant un appel d’air dans lequel l’artiste aura tôt fait de s’engouffrer…

Chapitre 2 : "Ophelia #38"

Après une première étape où le rêve côtoie encore les sensations du monde, le temps est venu de s’exposer à sa propre solitude. A tâtons, dans l’obscurité, dans l’urgence d’un appel d’air qui peut se refermer à tout moment, "Ophelia #38" est écrit et enregistré en deux nuits seulement. Ce qui met en exergue non seulement l’aspect intuitif de l’art de Guillaume Nicolas mais également la nécessité créatrice qui l’anime. L’art est un appel, non une recette ou un divertissement !

Dans un dénuement complet, les dix titres de ce second chapitre s’appuient sur une instrumentation très restreinte. Guitare, piano, voix… ici et là quelques discrets arrangements (harmonium, orgue…). Face à ce dépouillement on aura vite fait d’invoquer les ombres de Nick Drake et de Townes Van Zandt. Un parallèle d’autant plus vite tracé que l’artwork de "Pandemonium" semblait être un lointain clin d’œil aux albums "Five Leaves Left" du premier et "Live at the Old Quarter" du second… Pourtant ces comparaisons paraissent hasardeuses : chez For Heaven’s Sake on ne retrouve pas le climat pluvieux et mélancolique du poète britannique ou la country-folk des petits riens taciturnes du vagabond texan, bien que la country fasse partie du vocabulaire de For Heaven’s Sake.

En réalité, c’est plutôt au "Astral Weeks" de Van Morrison que l’on pense… Mais là aussi le rapprochement est risqué : rien de jazzy ou de celtique dans "Ophelia #38" pas plus que l’on y trouvera le chant exorciste du musicien irlandais. C’est dans leurs climats évanescents et leur écriture que cette discrète filiation se fait jour. Chez l’un et chez l’autre le message se dissimule derrière un langage "occulte", cherchant par les mots à susciter des émotions, seules capables de traduire les intentions et le ressenti de l’artiste. Le sens littéral pouvant uniquement être décrypté par la sensibilité et la volonté de l’auditeur.

Particulier à l’univers de For Heaven’s Sake, ce verbe codé où les mots résonnent entre eux, devenant ainsi canaux de musicalité et source d’une mythologie renouvelée, forme l’ossature de ce second chapitre. Mais à travers le minimalisme introspectif de ces morceaux, n’offrant pas même l’assise de la forme couplets/refrains, les paroles se retrouvent dans une position volatile.
Fugaces et fragiles.
Rêves fragmentés.
Des prières.
Des comptines.

Chapitre 3 : "Jerusalem"

L’appel d’air s’est transformé en rai de lumière. Métamorphoses sous des soleils nouveaux. Revenue du cœur des ténèbres dispensatrices de jeunesse, la musique de For Heaven’s Sake peut redéployer ses ailes…

« Jerusalem »… Nom aux mille images, reflet inversé des cités de l’Eden, et le poids sanglant de l’Histoire… « Jérusalem est un rêve – une langue » affirme le poète Adonis* et c’est dans ce rêve que For Heaven’s Sake va évoquer son album le plus expérimental à ce jour.

Cet album est une étrange alchimie. Retenant le meilleur de l’acid folk (Six Organs of Admittance, O.W.L., The Dry Spells…) sans pour autant verser dans les fumigations de colles ou de pissenlits, et du stoner doom mais sans s’épuiser dans des acouphènes extatiques, les titres forment une sorte de procession méditative qui peut parfois rappeler un Master Musicians Of Bukkake débarassé de ses visions bariolées.

Point équinoxial, ombres de la croix, fluidité d’une vibration, gospel matutinal des rosées lunaires. Simple mais pourtant difficile à saisir, ce dernier chapitre, toujours fidèle à un langage codé, dépasse le rêve dans un élan dévotionnel, écho d’une vision. Les Madones de Raphaël et le rouge de l’Epine. Mais il n’est point question de s’éplorer sur des spectres démembrés et blafards. Il faut au contraire, au risque de l’aveuglement, se frayer un passage dans ce rai de lumière. La Nuit comme une promesse lumineuse…

Une guitare slide perle sur un harmonium et un stoner doom qui se mue en drone ouaté ("Pokrovskoeïe") tandis que, plus loin, il se fera mordant et abrasif ("Ywy Marae Ey"). Les titres sont longs, jusqu’à vingt-cinq minutes, et avec beaucoup d’habileté ils parviennent à varier les arrangements sans renier leur nature contemplative, donc répétitive, forcément ; solennelle même à travers l’utilisation régulière de carillons et de cloches. Parfois une nappe électrique fantômatique relève une orchestration délicate et nocturne où perce l’orientalisme discret d’un sitar ("Mato Tipi").

Déserts abolis, fleurs sucrées dans les replis de l’éveil, "Bajhan", l’exception par sa courte durée mais l’interstice à la métrique appuyée où s’affole le psychédélisme…

Le dernier volet du triptyque se referme. Sans échapper au piège de la longueur par moments, notamment sur "Ophelia #38" qui aurait gagné en impact à être un peu plus court, ces trois albums, comme autant de fenêtres, sont des réceptacles de lumières et d’amour en l’Art et en l’Homme. En eux s’agitent les mille et une visions d’un artiste humble et généreux, capable d’exprimer avec force et conviction aussi bien ses doutes et ses hésitations que sa foi dans la Vie et la Beauté.

Alors, bien sûr, les cyniques et les désabusés de tout poil trouveront qu’il y a trop de candeur et de naïveté dans la démarche de Guillaume Nicolas. Mais sans cette naïveté, cette faculté à l’étonnement et à l’émerveillement propre à l’enfance, nul imprévu, nul sublime chez l’artiste, nulle découverte chez le scientifique… De même que les fainéants et autres ramollis du zapping téléchargé (…cé kon à pa le tan^^…) trouveront ces albums trop exigeants. Oui, la musique de For Heaven’s Sake demande un véritable investissement, il faut savoir prendre le temps de l’accueillir et de la laisser mûrir, mais il en va de même avec toute œuvre de l’esprit digne de ce nom : elle nous enrichit et cet enrichissement ne s’acquiert pas sur un coup de dés furtif et dérobé.

*Adonis, "Jérusalem", Mercure de France, 2016

0 Commentaire

3 J'aime

Partager
    Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire

Autres productions de For Heaven's Sake