Cela faisait neuf ans que
The Offspring n'avait pas sorti d'album, et on pouvait craindre, vu l'âge de nos punk rockeurs quincagénaires préférés, que leur carrière stagne en eau de boudin. Pensez-donc, près de trente-cinq ans de carrière, et un statut de de co-mastodonte en chef à égalité avec
Green Day, ils seraient bons pour l'éternité du Rock n'roll Hall of Fame quasiment. Leur dernier album "Days Go By" en date de 2012, produit par Bob Rock, propre sur lui et en pilotage automatique, n'avait pas convaincu outre mesure.
Le temps du carton interplanétaire de l'album "Smash" était bien loin, même si Dexter Holland et ses briscards ont un savoir-faire inné pour pondre de bonnes chansons énergiques et juvéniles. Entre 2012 et 2020, le groupe a fait plusieurs tournées, sorti quelques titres isolés, et eu des problèmes de droits à régler avec ses anciennes maisons de disques. En 2018, alors qu'ils préparaient leur dixième LP, ils se séparèrent de leur bassiste Greg Kreisel, qui les poursuivit en justice l'année suivante. Celui-ci fût remplacé dans un premier temps en tournée par Tony Kanal (
No Doubt), puis de manière définitive par le bassiste Todd Morse. L'album, déja enregistré, fût longtemps retardé par la pandémie, et par la recherche d'un nouveau label pour le sortir, Concorde Records.
Vu de l'extérieur, le dixième album du quatuor pourrait avoir l'air fait de bric et de broc, avec un titre déjà sorti il y a quelques années ("Coming for You"), une reprise ("The Hall of the
Mountain King"), une auto-reprise ("Gone Away Requiem" qui est une nouvelle version balladisée de "Gone Away" sorti sur l'album "Ixnay the Hombre"), et "Lulluby" un spin-off embrumé du morceau éponyme, d'à peine une minute et demie.
"Let the Bad Times Roll" ne semble pourtant pas vouloir dire "laisse couler jusqu'à la maison de retraite", car Dexter,
Noodles et ses sbires envoient quelques cartouches punk rock dont ils ont le secret. "The Opioid Diaries", et surtout l'hirsute hardcore de "Hassan Shop" montrent que le groupe n'a rien perdu de sa verve, au contraire. La machine à hits n'est pas non plus tombée en panne : des hymnes enjoués et rieurs comme "This is Not Utopia" ou "Let the Bad Times Roll" peuvent tout à fait pointer leur nez au Billboard sans forcer. Entre les deux extrêmes, des morceaux comme "Army of One" ou "Breaking These Bones" vous tendent des croche-pattes malicieux, avec ces montées/descentes de notes, qu'il reproduisent sur plusieurs titres sans presque les changer, puisque ça marche. Mais le quatuor se permet tout de même un titre sautillant entre américana et jazz, alors que le texte de "We Never Have Sex Anymore" est touchant tellement il est désabusé. A noter que Dexter a enregistré une version en français dans le texte : "Guerre sous Couverture" ; quel plaisir de l'entendre minauder "On ne s'envoie plus en l'air !", si ce n'est que ce bonus est sur l'édition... japonaise. Heureusement qu'on a Internet.
La production de Bob Rock est sobre, assez grasse et énergique pour plaire aux fans, et assez propre pour que le chant de Dexter glisse sans encombre jusqu'aux radios. Cela sonne outrageusement bien, quelque soit le registre abordé. La superbe pochette avec cette vénéneuse Shiva-Mexicaine parfait jusqu'à l'emballage un album sans réelle surprise, mais d'une redoutable efficacité.
Si on pouvait craindre que
The Offspring ne se ramollisse définitivement sur ses vieux jours, cette bande de corsaires démontre avec son dixième album qu'ils sont toujours capables d'envoyer ce punk rock survitaminé comme s'ils avaient vingt ans, et de se dire qu'un album de plus n'est pas un album de trop.
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