En 1975, rien ne va plus chez les
New York Dolls. C'est la guerre entre les deux membres qui composaient ensemble la majorité des chansons, le guitariste
Johnny Thunders (John Anthony Genzale Jr.) et le chanteur David Johnasen. Thunders, new-yorkais de descendance italienne, et son mentor le batteur Jerry Nolan, de sept ans son ainé et ancien membre d'un gang quittent le groupe au beau milieu d'une tournée en Floride. C'est en retournant à New York qu'ils créent immédiatement ce nouveau groupe en recrutant le second guitariste Walter Lure et le bassiste Richard Hell, ancien membre de
Television qui partage avec Thunders la tâche de chanteur. Hell veut assurer tout le chant à lui seul et cherche à se débarrasser de Thunders mais c'est plutôt lui qui sera remercié et remplacé par Billy Rath en 1976.
Le deux excellents albums studio des Dolls ayant été des échecs commerciaux et la dépendance à l'héroïne de Thunders et Nolan étant bien connue, aucune maison de disques américaine ne veut les signer malgré leur solide répertoire et la réponse très favorable du public new-yorkais. Ils acceptent l'invitation de Malcolm McLaren, qui fut brièvement gérant des poupées de joindre la tournée Anarchy de ses nouveaux poulains les
Sex Pistols. Le comportement outrancier de Thunders, qui insulte et crache sur le public, se bagarre régulièrement et fout le camp de la scène après deux chanson « without giving a fuck » si le cœur n'y est pas, laissera instantanément sa marque sur le jeune groupe britannique. À l'instar d'
Iggy Pop, chanteur des Stooges, il sera considéré par plusieurs comme étant le père de l'attitude punk.
Même si la plupart des dates de cette tournée sont annulées, le groupe déniche un contrat en terre saxonne avec la petite maison Track Records. Ils enregistrent en 1977 leur seul album studio,
L.A.M.F., le titre étant un diminutif de «
Down to Kill Like a Mother Fucker », tag de menace inscrit par les membres du gang de Nolan sur le territoire de ses rivaux. Marqué pas la consommation de drogues, le mixage de l'album est chaotique et s'éternise au frais de Track Records. Chaque membre propose son mixe, aucun ne fait l'unanimité et la version finale de l'album est épouvantable. Le groupe rate alors son rendez-vous avec la gloire alors que le mouvement punk bat son plein des deux côtés de l'Atlantique. Désillusionné, Nolan quitte en 1978 et Thunders choisira de poursuivre sa carrière en solo. Un remix bâclé de l'album intitulé
L.A.M.F. Revisited, fait en trois jours par
Johnny Thunders et Tony
James, bassiste de
Generation X, sort en 1984 et déçoit encore une fois.
Le 22 avril 1991, John Genzale, qui a abandonné l'héroïne et suit une cure de désintoxication à la méthadone est retrouvé sans vie dans sa chambre d'hôtel de la Nouvelle-Orléans. Son corps est anormalement tordu et plusieurs de ses effets personnels sont manquants, notamment son passeport, sa provision de méthadone et une forte somme d'argent qu'il venait de toucher. N'ayant pas l'intention de s'éterniser sur le cas d'un junkie, la police conclut à une mort par overdose malgré les résultats de l'autopsie, l'opinion des témoins et les nombreux indices en faveur de la thèse du meurtre. Nolan décède d'une hémorragie cérébrale le 14 janvier de l'année suivante.
La mort de Thunders provoque un concert d'éloges de la part de nombreux musiciens influents et en découle un regain d'intérêt pour l'œuvre des
Heartbreakers. Jungle Records, label indépendant britannique et propriétaire des bandes décide alors de tout écouter et découvre le pot aux roses. La piètre qualité du vinyle de 1977 est due à un mauvais mastering et les mixes qu'elle détient sur DAT sont très respectables voire excellents pour le genre, c'est pas du
Pink Floyd on s'entend! Mieux vaut tard que jamais comme on dit, c'est en 1994 que le public entend finalement la version définitive d'un classique.
Sorties en single par la première formation avec Richard Hell, la populaire Born to Lose et l'hymne à l'héroïne
Chinese Rocks offert par Dee Dee Ramone, toutes deux reprises par
Sid Vicious sur l'album posthume Sid Sings, côtoient d'autres titres plus méconnus mais excellents comme Baby Talk, I Wanna Be Loved,
Get Off the Phone,
One Track Mind... Cet album a remarquablement bien vieilli! On ne s'ennuie pas un instant pendant les quarante minutes de pur rock and roll, mi-punk mi-50's et un tantinet pop que propose la bande de
Johnny Thunders. Seule
It's Not Enough, quoique correcte, m'apparaît comme était dispensable. La guitare est bien crade, comme on l'aime, tout comme la voix qui défonce un peu sur plusieurs morceaux. On y ressent parfaitement l'attitude absolument contagieuse de ce très grand artiste. Et que dire de Do You Love Me, la reprise du classique Motown des Contours, sinon qu'elle est carrément jouissive?
Franchement, je ne vois pas l'utilité d'allonger considérablement cette chronique en m'éternisant à décrire le style et les morceaux qui ne sont pas particulièrement originaux. Il y a deux guitares, une batterie, une basse et c'est du rock and roll, dansable, simple, efficace, cru et sans fioritures. Et ça rock en sale, c'est meilleur que les Dolls. Alors si la formule vous branche, faites vous donc plaisir en donnant enfin à cet enregistrement l'attention qu'il mérite car s'il est trop tard pour Thunders et Nolan, il en est rien pour vous. Satisfaction garantie!
Sexe, drogue et rock n' roll,
Cucrapok
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