1973, un gaillard de 23 ans déja usé par des années de scène, principalement sur le circuit de son New-Jersey natal, se voit offrir une première chance sur le marché du disque. Columbia, par l'entremise du découvreur de talents
John Hammond, cherche un "nouveau Dylan" et espère que le songwriting du prolifique
Bruce Springsteen en fera le nouveau troubadour des campus américains. Travailleur forcené, Bruce met en boîte plus de vingt morceaux aujourd'hui introuvables au cours d'épuisantes sessions d'enregistrements. En concert, une foule d'autres morceaux apparaît à la même période: le coffret
Tracks en donnera un aperçu.
Pour convaincre son employeur, Springsteen a présenté ses compositions seul lors d'une audition décisive; le garçon est donc catalogué dans le genre beatnik à texte et guitare: il lui est donc chaudement recommandé de faire dans l'intimisme folk voire dans le protest-song. Le chanteur, multi-instrumentiste accompli, va alors faire ce qu'il fera tout au long de sa phénoménale carrière, à savoir prendre un chemin différent, indiqué par l'inspiration du moment. Il fait intervenir ses musiciens pour mieux illustrer son univers empli de personnages déjantés sur fond de Rock urbain largement orchestré.
Les paroles sont, pour cette seule occasion, rédigées avant la musique. Cela donne un foisonnement de rimes absolument délirant qui amène un style de Rock très dansant et joyeux. Le très syncopé morceau d'ouverture
Blinded by the Light rentre parfaitement dans ce schéma. On attendait l'influence du "Zim",
Bob Dylan, mais c'est plutôt celle du
Van Morrison époque Moondance qui ressort!
Growin'Up nous entraine avec sa subtile partie de piano et nous voila en présence du premier chef d'oeuvre springsteenien; une mélodie remarquable et des paroles géniales qui nous apprennent que l'auteur a trouvé la clef de l'univers (il la tournera en 1975 et 1984 mais c'est un autre propos). Mary
Queen Of Arkansas est un morceau Folk de bonne facture, même si le ton plaintif de Bruce montre qu'il cherche sa voix dans un registre qu'il maîtrisera d'ailleurs parfaitement par la suite.
Does This Bus Stop At 82nd Street? Une merveille de petit Rock'n'Roll celle-là, une compo de deux minutes, sans break, qui se conclut dans son élan alors que l'on tape toujours du pied...
Lost In The Flood, pied de nez au déluge et autres points du Dogme Catholique se caractérise par des paroles surréalistes et assez comiques. Avec le recul, ce morceau excellemment lyrique aurait sans doute pu être plus efficace sans la production somme toute moyenne de Mike Appel et Jim Cretecos.
On passera sur un The Angel mélancolique qui plombe un peu la dynamique de l' ensemble. For You est l'archétype du morceau entraînant et accrocheur comme le futur Boss en sortira à la chaine dans les années suivantes. L'album se conclue sur deux énormes et puissants classiques, toujours plébiscités dans les concerts. Spirit In The Night donne l'occasion au saxophoniste Clarence "Big
Man" Clemons de briller par son jeu flamboyant. It's Hard To Be A
Saint in the City (New-York en l'occurence), sorte de complainte de mauvais garçon nous laisse sur les rotules... Le rythme est très soutenu grace à ses textes fleuves chantés en quelques minutes.
Succès partiel avec quelques dizaines de milliers de galettes vendues, ce premier opus de
Bruce Springsteen lui permet de rester en selle pour ses prochaines parutions, tout en continuant à démarcher le public sur scène. Le titre de cet album est un hommage on ne peut plus sincère à son Etat, le New-Jersey et à une scène auquel il reste profondément lié. Une pépite au son très particulier, ce n'est donc pas le disque de l'artiste que je conseillerais à un néophyte. Cependant, il s'agit d'un bon premier disque et l'un des plus originaux de l'énorme discographie à suivre...
Je n'avais jamais vu ta chro, grand merci ! J'adore ce disque, Growin up rythme ma vie depuis 40 ans.
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