Kiemsa

Kiemsa sort son troisième album intitulé « Délices », et tourne dans toute la France pour le défendre, avec un passage à la Maroquinerie le 16 décembre. Kiemsa est un groupe français qui ne fait pas dans la dentelle mais conserve une certaine intellectualité. Des textes travaillés associés à des guitares vrombissantes relevées par des cuivres criards donnent à leur concert une ampleur de fête sonique. C’est avant tout un groupe live, la puissance et l’énergie dégagée est communicative. Martin le chanteur assure le show et nous étonne en déployant une détente de saut prodigieuse, on se demande si cela n’a pas un rapport avec un certain passage par la case hosto (voir plus bas). Quand on est cloué au sol pendant un moment, on ne demande plus qu’à toucher le ciel. Le groupe reçoit dans sa loge, entre plateau de fromage, charcuterie et corbeille de fruits restée intact. Mystère.

interview KiemsaKiemsa est un groupe inclassable, brassant beaucoup de genres : comment en êtes-vous venus à créer cette fusion musicale – puisque vous faites partie des premiers du genre.?
A ce point là ! (rires). Si on veut parler des influences, tu prends des groupes comme Silmarils, ou FFF il y avait déjà ce côté textes en français et musique fusion, et ça pouvait partir dans des plans funk, plus métal, plus hip hop. Bien sûr il y a aussi tout l’héritage scène punk plus traditionnel ; les Béruriers noirs, les Ramones pour le côté américain, et puis plein d’autres choses, ça brasse vraiment, on écoute vraiment de tout, c’est très large.


Avec ce troisième album, votre musique se radicalise, on passe du punk rock ska, à un rock fusion aux guitares menaçantes ; pourquoi cette évolution, qu’est-ce qui vous a poussé vers ce nouvel aspect musical ?
Il n’y a pas grand chose qui nous a poussés (irruption de Steven le tromboniste qui dit : c’est naturel). C’est à dire qu’on compose vraiment ce qui vient, là en l’occurrence la tendance était plus comme ça mais c’est pas calculé, tant pis tant mieux (rires) les morceaux ont tous été composés sans se dire waow on compose vraiment des trucs métal, non, c’est pas trop la question.


Qui compose ?
Tout le monde, il y a toujours une idée générale qui est amenée, l’idée de base. Ca peut être un riff de guitare, ou un morceau quasi déjà dans son ensemble. Quelqu’un amène une maquette, on arrange quelques trucs, et chacun amène sa pierre à l’édifice. C’est vraiment un patchwork

Cela t’est arrivé d’avoir juste un texte et écrire la musique en fonction de ce texte ?
On peut parler du « Théâtre du Bruit », je n’avais pas la musique et Romain le bassiste l’avait dans son ensemble. Du coup on a essayé et ça a collé, mais c’est très rare. Sur le dernier album il y a toujours eu la musique avant le texte, sur « Eaux Troubles » pareil. Il y a vraiment juste sur le « Théâtre du Bruit » où j’avais le texte avant.



Y a-t-il un leader ?
Disons que je dirige un peu, en général je travaille beaucoup les structures. Quand on a les éléments des morceaux, parfois ça se met dans le bon sens tout seul. Et des fois c’est juste le bordel.
Je me souviens sur « Mass Média », qui est devenu un incontournable, on avait le riff et on ne savait pas quoi en faire, et un jour j’ai eu le tilt, faire on/off. On a essayé, tout le monde a dit « ok, mais ca nous emmerde un peu ce genre de trucs » (rires). Il a fallu trouver un gimmick, d’où ce « Fuck you very much » et là ça a pris tout son sens. C’est l’illumination qui peut arriver à n’importe qui.
La structure de ce morceau est super bizarre, c’est pas classique du tout, c’est ça qui a fait que c’était bien.
Une autre anecdote sur « Brise-Glace » Steven a amené les trois quarts des riffs de cuivre, il avait tout dans le désordre, le riff principal, le break, mais putain la structure de ce morceau était prise de tête, ça a duré trois mois, personne n’a eu l’illumination, on a cherché la clef longtemps (rires accompagnés de soupirs), on y est finalement arrivé mais ça a été dur.


Et quand vous avez un morceau comme ça, vous essayez de le travailler vraiment jusqu’à la trouver, cette clef ?
On essaye, surtout quand on sent qu’il y a du potentiel. Après on en a abandonné quelques uns, ou on en a gardé que des parties. Quand personne ne le sent, on l’abandonne, mais quand il y en a un ou deux qui y croient, ça peut durer longtemps (rires). Mais tous les gros jams qu’on a fait on a réussi à en tirer des morceaux, par exemple « Rien Fait de Mal » le premier morceau de « Délices » c’est une impro, le riff du couplet c’est un truc qu’on faisait tourner. C’est un patchwork ce machin là. En général on s’en sort.



Kiemsa est-il un groupe engagé politiquement ?
On ne peut pas dire non, on ne peut pas dire oui non plus ; on n’a signé pour personne, mais pour simplifier disons qu’on est tous de gauche, ca me paraît assez cohérent. C’est simplifié mais c’est suffisant. On se dit que le concert c’est un moment de détente, les gens morniflent la semaine, faut pas que le concert tourne au meeting, dans un sens ou dans un autre. C’est lourd. Bien sûr qu’on a une conscience, mais l’énergie est la plus importante, les textes sont assez clairs, comprend qui veut... Et tant mieux !
Laurent, batteur : moi j’aurai été de droite si j’avais été assez jeune pour postuler à l’EPAD (rire général).


Qu’est-ce que tu veux qu’un spectateur se dise en sortant du concert ?
Déjà qu’il puisse se dire que c’est cool qu’il y ait des groupes en France comme les « Caméléons » comme « La Ruda » « Mass Hysteria » « Lofofora », c’est une scène hyper riche a
interview Kiemsavec des supers groupes.
L’objectif c’est que chacun passe un bon moment, après chacun voit midi à sa porte, il y en a qui vont passer un bon moment musical, d’autres pogoter pendant tout le concert, voilà, l’objectif c’est de se lâcher, et aujourd’hui ça devient… Indispensable ! (rires), plus les gens vont se lâcher plus on va se lâcher, c’est vraiment une communication, c’est ça qui est intéressant, aller à la rencontre des gens, c’est bien pour ca qu’on dit qu’à un concert : on joue, c’est vraiment un jeu avec les gens.


Un public qui n’est pas réceptif à votre musique cela vous bloque ?
Non, du tout, c’est plutôt des challenges. Une anecdote rigolote, on a joué dans le pays basque en première partie de « Gojira », chez eux. Le public : 2000 métalleux. 2000 corbeaux. Il devait y en avoir 300 qui nous connaissaient, mais franchement c’était rigolo. On est arrivés, costards, cuivres, ils se sont dits « qu’est ce que c’est que ce truc ! » Au début ils ont été surpris, finalement ça s’est super bien passé mais il a fallu aller les chercher. Et c’est ça qui était génial.
(Commande pièce de boucher, sauce bleu, à point, aparté pour les fans hardcore)



Cela vous est déjà arrivé d’avoir un public mauvais ?
Non, pas mauvais, des fois ils ne sont pas faciles à attraper, mais on ne s’est jamais fait hués. Quand c’est dur, on fait tout ce qu’il faut pour que ce soit moins dur, des fois on sort des concerts, on se dit « ah ouais ils étaient un peu durs, mais t’as vu sur ce morceau ils bougeaient bien ». Il n’y a jamais eu de drames, on ne s’est jamais fait sifflés ou fait envoyé des bouteilles, ou jeter des tomates (rires).

Vous avez une image assez développée (graphismes, costards) pourquoi ce choix par rapport à d’autres groupes qui ont une image plus simple ?
Le coup des costards, c’est venu avec le clip d’ « Orange Duck ». On a voulu faire ce clip en costard, parce qu’il y avait une espèce d’ambiance années 60. Et puis notre entourage professionnel, familial nous a dit « mais ça vous va super bien il faudrait que vous jouiez tout le temps comme ça, c’est super ». On hésitait et puis on a essayé on l’a adopté, du coup on joue vachement de ça. Là sur la tournée « Délices » on en joue encore plus. Ca compte parce que les gens se rappellent aussi de nous grâce à ça et le décalage qui est fait entre la musique qui est violente, très punk et le côté très classe des costards, c’est super !
Quand tu vois notre guitariste, normalement un mec coiffé comme ça (trois piques astronomiques, the devil’s haircut) n’est jamais habillé comme ça, porter un costard avec la crête c’est génial ! Le costard c’est devenu une représentation du travail, et on le martyrise en le tournant en dérision. On fait n’importe quoi avec nos costards, on se roule par terre, on enlève notre veste on la jette, normalement quand tu poses ta veste tu fais attention à ne pas la froisser. Pour le coup je trouve ça punk, à contrario du jean déchiré tu vois.


« Délices » voit le retour d’un personnage phare de Kiemsa : Orange Duck. Mais, qui est Orange Duck ?!
C’est un poivrot, un mec qui est au bar, est persuadé d’être le meilleur, le roi de la picole. Il veut coucher tout le monde. Comme le concours de celui qui pisse le plus loin, c’est idiot mais c’est la nature humaine. Sauf qu’un jour il tombe sur un mec qui ressemble à rien mais qui le couche. Voilà (rires). C’est un personnage qu’on peut retrouver à tous les coins de rue.



Kiemsa arrive à sortir un album en temps de crise, la ressentez-vous cette fameuse crise ?
Bien sûr, on a eu du mal à sortir l’album parce que les labels ne prennent plus de risques, les distributeurs ne prennent plus de risques. Les gens ont moins d’argent, n’achètent plus les t-shirts, on peut moins investir dans l’album. Il faut savoir que tout est réinjecté, quand vous achetez un t-shirt, vous participez à la vie du groupe. On a réussi à le sortir, maintenant il faut qu’on s’en sorte, on a des dettes, on espère que la tournée va marcher, qu’on va pouvoir rembourser tout ce qu’on doit et enchainer sur un autre projet derrière.



Tu préfères que j’achète ton album et que je ne l’écoute pas ou que je le télécharge et que je vienne vous voir en concert ?
En gros, je dirai que tu le télécharges et que tu viennes nous voir en concert, mais ce n’est pas ma philosophie. On télécharge tous, mais on est des amoureux du disque. Il y a l’option deezer pour découvrir mais si je finis par écouter un album tous les jours pendant des heures, je vais l’acheter. C’est une façon de dire bravo à l’artiste. Mais tu vois par exemple le nouvel album de Korn « imaginons » un instant que je l’aime bien, ça m’étonnerait que je l’achète. Parce qu’ils sont multimillionnaires, qu’ils se foutent de la gueule du monde, donc là je m’en branle. Mais les petits groupes indés je vais me fai
interview Kiemsare chier à les acheter sur internet.



Ca ne te fait pas chier le mp3 dégueulasse ?
Il est très bien pour découvrir, pour aimer mieux vaut le cd, mais la jeune génération ne pense pas comme nous. On est vieux nous, on a connu le disque. Maintenant, les jeunes c’est la musique kleenex, ils prennent, ils chargent, ils écoutent pendant un moment et puis ils jettent, ils passent à autre chose, donc ils ne vont jamais acheter de disque. En plus c’est la crise.



Comment est votre public en Allemagne alors que la langue est différente?
C’est là où tu vois que ça passe par l’énergie, c’est le langage musical. On a fait un festival en Allemagne, à donf’ à donf’, je ne parle pas allemand, mais ça passait par la musique. Ce qui est différent c’est qu’en France notre public est 15-25 ans alors qu’en Allemagne c’est 25-50 ans. Ils sont plus âgés. Les allemands leur groupes préférées c’est des trucs qu’on connaît pas, comme Slime ou Die Toten Hosen, des groupe punks. Ils viennent nous voir à la fin et nous disent que ça leur rappelle des vieux concerts. Contrairement à ce qu’on pourrait penser Rammstein est détesté par la scène punk alternative, ils n’arrivent pas à nous dire pourquoi, mais c’est comme si on nous demandait pourquoi on n’aime pas Indochine.

Qu’est-ce qui a changé dans le rapport entre la musique et les jeunes par rapport à ton époque ?
La dématérialisation. Le cd n’existe plus pour les jeunes, à l’époque t’empruntais à tes copains 5, 6 cds. Maintenant tu va chez un pote il va te refiler 150 morceaux de 150 groupes différents. Nous on aimait 10, 20 groupes, maintenant n’importe quel branleur il aime des groupes même s’il n’aime qu’un morceau du groupe. Il va te dire qu’il ira peut-être les voir en concert s’ils jouent cette chanson mais sinon… Aujourd’hui il y a trop de choix, je comprends que la jeunesse soit paumée musicalement parlant. Nous on se forgeait une oreille en écoutant des albums en entier, maintenant c’est dur t’écoutes une chanson par une chanson, myspace, shuffle, c’est dans le désordre. Le mode d’écouter de la musique a changé

Tu penses que c’est cette dématérialisation qui a amené le croisement des genres qui règne en 2009 ?
L’électro a évolué. Elle s’est mélangée à tout. Tu prends n’importe quel genre musical, tu rajoutes électro derrière, rock électro, rumba électro, je suis sûr que tu cherches sur myspace tu peux trouver du jazz manouche électro. Ca s’est démocratisé, c’est génial. Ce qui a changé c’est qu’aujourd’hui n’importe qui peut faire de la musique. Tous les jeunes qui ont 15-16 ans et qui font des programmations sur leurs pc, ça va donner des groupes mortels. Et ça c’est un point ultra positif.



Qu'est-ce que tu serais devenu sans la musique ?
J’en sais rien, mais je serai sûrement moins heureux. J’ai découvert la musique très jeune, mon père écoutait de la musique classique, ma mère était plutôt chanson française, mes cousins m’ont fait découvrir le rock vers 10 ans. A chaque noël ou anniversaire je demandai des cds. Mais j’ai décidé de faire de la musique plus tard. J’ai eu un grave accident de la route, failli me faire amputer d’une jambe, j’ai passé un an en fauteuil roulant, et c’est là que dans ma tête j’ai commencé à composer des chansons et à écrire des textes.



Une grande claque musicale dans ta gueule ?
« A Night At The Opera » de Queen. C’est pour moi le meilleur album au monde, il n’y a jamais eu mieux et il n’y aura jamais mieux. Enfin si, j’espère qu’il y aura mieux un jour mais franchement à tout point de vue, cet album… ce qui est dommage c’est que Queen n’est pas reconnu, on n’en connaît que les best of. Sur cet album ils mélangent les genres, ils avaient une liberté incroyable à l’époque, on dirait une compil’, ça change tout le temps.
Il y a de la guitare New orleans décalée avec des cuivres fait à la guitare, des morceaux de heavy, il y a aussi « Bohemian Rhapsody », et la dernière chanson c’est « God Save the Queen » jouée à la guitare électrique. Ce qui était une insulte, ça a été très mal pris en 1973. Ils se sont fait censurer, à l’époque tu ne faisais pas ça, ce qui est drôle c’est que maintenant ils sont anoblis. Queen c’est LE groupe de rock. C’est dingo, c’est le truc le plus complet que je connaisse.


Par le passé, Kiemsa a fait appel à plusieurs collaborations, et il n’est d’ailleurs pas rare de vous voir partager la scène avec vos amis de Mass Hysteria : peut-on envisager, dans un avenir peut-être proche, de nouvelles collaborations, musicales ou scéniques ?
On y pense. On va faire des choses ensemble, peut-être sous un autre nom (sourire malicieux). Exclu grave, disons que ça fait partie des gens qu’on aime vraiment, on a plein d’idées, après c’est toujours pareil, on va voir si ça peut se faire
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interview réalisée par TDLV

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