For Heaven's Sake

De la musique de For Heaven’s Sake s’élèvent les senteurs entêtantes de quelque rêve tenace... Guillaume Nicolas, le multi-instrumentiste à l’œuvre derrière ces méandres musicaux dans lesquels évoluent archétypes et modernité, nous en dit un peu plus sur son projet et dévoile un avenir chargé de promesses où tout semble possible…

interview For Heaven's SakeCela fait maintenant plus d’une année qu’est paru « Paha Sapa/Mako Sika », quelles ont été les réactions du public ?
Très bonnes. J'ai été particulièrement heureux d'avoir reçu un retour très positif, que ce soit aussi bien de la part des médias qui ont écrit de très belles choses sur l'album que de la part du public qui a, je crois, également très bien reçu l'album.

Avec le recul, est-ce que tu es satisfait de cet album ou y a-t-il des choses que tu aurais faites différemment ?
Je ne regarde jamais en arrière. Alors, probablement que si je réécoutais l'album aujourd'hui, je remarquerais plein de choses que je modifierais volontiers ou que je travaillerais différemment, mais je pense qu'un album est le reflet d'un instant, d'une période, et "Paha Sapa/Mako Sika" représente bien, je pense, qui j'étais au moment de sa sortie.

Est-ce que pour toi il y a un titre dont tu es particulièrement fier ou qui se distingue de l’ensemble ?
Non, pas particulièrement. Je vois "Paha Sapa/Mako Sika" comme un ensemble, cohérent, avec un début, un milieu et une fin. Un peu comme un film. Je n'aime pas isoler une scène en particulier lorsque je regarde un film, c'est un peu pareil avec ce genre d'album. Je pense qu'il s'apprécie dans sa globalité, dans son intégralité. Après, je suis heureux lorsque les gens me disent être particulièrement touchés par telle ou telle chanson, mais personnellement, je ne peux pas isoler une chanson en particulier.

Appréhender « Paha Sapa/Mako Sika » demande à l’auditeur un réel investissement, que ce soient les textes aux références exigeantes et proches d’une certaine poésie symboliste ou la musique qui emprunte aux musiques traditionnelles, au psychédélisme des 60's-70’s… Ne crains-tu pas d’être taxé « d’artiste élitiste » ?
Pour être tout à fait honnête, je ne me suis jamais posé la question, et je crois bien que je n'ai pas envie de commencer à me demander ce genre de choses, me poser ce genre d'interrogations, car ça pourrait bien me freiner dans mes idées, mes envies, mes désirs. Donc, "artiste élitiste", non, je ne pense pas du tout, d'autant plus que sincèrement, je ne trouve pas mon univers musical si complexe et exigeant que ça, loin de là, donc je n'ai absolument pas l'impression d'être "élitiste" ou quoi que ce soit, mon Dieu, non. Ce ne sont que des chansons, des mots, des notes. Je pense juste qu'aujourd'hui plus personne ne fait d'efforts pour "rentrer" dans des oeuvres musicales denses et intenses, tout doit être simple, efficace et rapide, aussitôt écouté, aussitôt oublié. On ne prend plus le temps de se poser et se concentrer sur les oeuvres musicales. On écoute 30 secondes, on zappe. Tu me parlais de psychédélisme 60's-70's... ces groupes exceptionnels n'hésitaient pas à repousser toutes les frontières musicales et littéraires (ainsi que graphiques), et trouvaient un écho car, à l'époque, je pense qu'on prenait beaucoup plus le temps d'écouter en profondeur la musique. La comprendre. La ressentir.

Parle-nous un peu du producteur Kevin Salem qui s’est occupé du mixage et du mastering de « Paha Sapa/Mako Sika ». Feras-tu à nouveau appel à lui à l’avenir et intervient-il d’une manière ou d’une autre dans la composition ?
J'ai rencontré Kevin en juin 2004 lors d'un festival et nous sommes devenus instantanément amis car nous avons des sensibilités humaines et musicales très proches, et depuis ce jour, on n'a jamais cessé de travailler ensemble sur différents projets. Donc, oui, oui, bien sûr, Kevin mixera le prochain album de For Heaven's Sake, et son travail sur les nouveaux morceaux est d'ores et déjà remarquable, il comprend instantanément ce que je souhaite, l'alchimie entre nous est parfaite. Par contre, non, il n'intervient d'aucune façon au niveau de la composition. Il intervient toujours au stade du mixage, et ce jusqu'au mastering, mais je m'occupe toujours seul de la composition, des arrangements, de la production e
interview For Heaven's Saket de la prise de son.

Tu es actuellement en train de travailler sur ton nouvel album « Pandemonium », s’inscrira-t-il dans la continuité de « Paha Sapa/Mako Sika » ? ou en quoi sera-t-il différent ? Tu as confié dans une précédente interview (pour le magazine Obsküre) qu’il aurait un caractère religieux beaucoup plus prononcé…
C'est encore un peu trop tôt pour moi d'essayer de décrire à quoi ressemblera "Pandemonium" car je travaille dessus en ce moment-même, donc je manque terriblement et cruellement de recul, mais je pense qu'il sera en effet dans la continuité de "Paha Sapa/Mako Sika", tout en marquant, je pense, une très grosse évolution, notamment au niveau des arrangements, des ambiances. Il y aura sans doute un côté psychédélique plus marqué, de par la durée des morceaux, les couleurs traditionnelles (sitar, banjo) qui seront très présentes, les guitares fuzz très 70's... et les textes qui, en effet, creusent encore un peu plus certaines questions, certains sujets, certains domaines qui me tiennent à coeur...

Les chansons de « Paha Sapa/Mako Sika » ont été écrites il y a quelques années, est-ce que ce sera également le cas sur « Pandemonium » ou y trouvera-t-on des compositions plus récentes ?
Au début de la conception de "Pandemonium", je travaillais sur 8 chansons définitives pour en former l'ossature, et désormais je travaille sur un ensemble de 19 chansons (ce qui en fera sans doute un double album), car je rajoute continuellement de nouvelles chansons aux plus anciennes, donc je dirais que ce sera un mélange entre les deux.

Le terme de « Pandemonium » renvoie à un imaginaire sombre et chaotique, les compositions du nouvel album seront-elles à ce titre plus pessimistes et torturées ?
"Pessimistes", absolument pas, car je considère mon travail, mes chansons, comme étant très "optimistes". Toujours. Mais oui, j'aime les musiques sombres, noires, torturées, intenses et profondes, et à ce titre, je pense que "Pandemonium" sera un album dense et noir, mais avec toujours beaucoup de lumière pour qui saura lire et écouter entre les lignes. Donc, "sombre et chaotique", peut-être que quelques chansons auront en effet ce caractère, "torturées", un peu également sans doute, mais "pessimistes", non, pas du tout.

Tu travailles à New-York, pourquoi ce choix ? Penses-tu que la ville américaine a un impact sur tes compositions ?
Je ne sais pas. Mon histoire personnelle est très liée à NYC, donc forcément, cette ville a eu et doit toujours avoir un impact sur moi et donc, forcément, sur mon travail, mes compositions. Mais c'est difficile à dire, car je voyage beaucoup entre l'Europe et les USA, j'adore ça, et je pense que chacun de mes voyages m'inspire énormément d'une certaine manière. Etre à Stockholm, Madrid, Rome ou encore Vienne m'inspire tout autant qu'être à NYC, Los Angeles ou San Francisco et Memphis. Mais j'adore travailler à NYC avec Kevin, c'est de nouveau l'option qu'on a choisi pour le mixage de "Pandemonium", et ça se passe toujours tellement bien qu'à l'heure d'aujourd'hui je ne me verrais plus du tout mixer ailleurs que là-bas, et avec lui évidemment. On verra bien ce que l'avenir nous réserve, mais pour l'instant, mixer à NYC est une évidence.

Alors que l’anglais est la langue souvent utilisée dans le rock, tu choisis de t’exprimer en français. Est-ce par simple esprit de contradiction, histoire de distinguer For Heaven’s Sake de la majorité des productions actuelles ?
Oh non, non, absolument pas. Pas du tout. C'est un choix personnel, car je pense qu'il y a des choses absolument formidables et extraordinaires à faire avec la langue française en musique. Je pense qu'il y a tout un univers linguistique à développer en musique avec le français. C'est passionnant, je trouve.

Je crois savoir que tu es un amateur de black metal, de death metal ou encore de doom. Penses-tu que ces styles musicaux ont pu avoir une influence
interview For Heaven's Sakesur ton parcours musical ?
En effet, j'adore le doom/stoner, le black/death metal, mais ce, tout autant que le blues, le jazz, ainsi que bien évidemment les musiques traditionnelles du monde et le psychédélisme. J'écoute énormément de musiques, toutes sortes de musiques. J'aime tout autant Neurosis que Johnny Cash. Ecouter à la fois Ulver et Bob Dylan me semble tout à fait logique et cohérent. En tout cas, les deux me touchent personnellement énormément. Je ne m'impose aucune limite, aucune barrière, aucune frontière.

Y a-t-il un événement ou un artiste en particulier qui t’a donné le goût de la musique ?
L'album "Appetite For Destruction" de Guns N' Roses, probablement. Et un tout petit peu plus tard, Bruce Springsteen qui a eu et qui a toujours, bien évidemment, un impact immense, énorme, sur moi.

Tu sembles privilégier une approche artisanale pour For Heaven’s Sake, penses-tu que cette conception soit incompatible avec la possibilité d’être signé sur un label ?
Oh non, pas du tout. Je pense qu'il est tout à fait possible de mélanger la facette "artisanale" de l'artistique avec le côté beaucoup plus "commercial" d'un label. Chacun doit faire son travail, c'est tout. Le but de l'artiste est de créer "sa" musique avec toute l'honnêteté et toute la sincérité possible, et celui d'un label, de la vendre et la rendre accessible en la promouvant. Ce sont deux choses tout à fait différentes. Donc, définitivement oui, je pense qu'il est possible de concilier le côté "artisanal" qui me tient tellement à coeur avec une signature label. Le problème étant qu'aujourd'hui, il n'y a malheureusement plus vraiment de labels travaillant ce genre de musique, je pense. Mais regarde ce que fait un groupe comme The Mars Volta, par exemple, pour n'en citer qu'un. Ils sont extrêmement indépendants dans leur production musicale, ce qui ne les empêche pas de bosser avec de gros labels

For Heaven’s Sake est-il destiné à rester un « one-man band » ou penses-tu à l’avenir faire appel à des musiciens pour défendre tes compositions en concert ou même pour enregistrer un album ?
En studio, je ne sais pas trop, car je dois reconnaître avoir véritablement pris goût à ma méthode actuelle, le "one-man band" comme tu dis... rien ne me rend plus heureux que de passer des heures et des heures seul en studio à mettre en son toutes mes idées et sentir les chansons prendre forme au fil du temps. J'adore ce côté extrêmement créatif d'être multi-instrumentiste et j'aime en profiter un maximum pour mettre en place et donner forme à toutes mes envies musicales à l'infini... j'apprécie la liberté que ça m'offre, et surtout le plaisir que me procure le fait de donner seul naissance à toutes ces chansons, toutes ces couches sonores, j'admets que c'est extrêmement agréable et que j'apprécie beaucoup le côté "solitaire" du studio, je m'y sens bien, "protégé" d'une certaine manière. Ceci dit, s'il y a bien un musicien avec lequel je souhaiterais bientôt enregistrer en studio, il s'agit du batteur "live" de For Heaven's Sake, Bruno Lagorsse, que je connais désormais depuis plus de 8 ans et dont je suis très proche. J'ai déjà pas mal de projets en tête que j'aimerais monter avec lui. Peut-être pas forcément d'ailleurs dans le cadre de For Heaven's Sake, mais on verra bien. Sinon, pour le live, on a tourné pendant longtemps en duo, juste lui et moi, et ça ne m'étonnerait pas que l'envie de reprendre cette formule me vienne à la sortie du prochain disque. Il y a de grandes chances que ça arrive.

En dehors de For Heaven's Sake, as-tu d'autres projets actuels ou futurs ?
Oh oui, plein. Je déborde toujours de projets, que ce soit en tant que musicien de studio et live pour d'autres artistes, mais aussi en tant qu'arrangeur et producteur en studio. J'aime avoir toujours plein de matière sur laquelle travailler, donc oui, j'ai beaucoup de projets en dehors de For Heaven's Sake, même si, actuellement, l'objectif principal est le prochain album de For Heaven's Sake.

Interview done by Bloodorn

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